L’idéologie de la course vers l’avant n’a plus autant de succès. Les questions posées par le type de développement en cours devront trouver des réponses concrètes et pas seulement à un hypothétique niveau planétaire.
En effet, l’échelon local est aussi un niveau auquel on peut et doit faire des choix. Cependant, laisser croire qu’une cité peut s’abstraire de l’évolution, se figer dans un état donné, est un leurre.
La nécessité du développement, une conviction partagée
Il existe de nombreux échanges entre les territoires, mais si un déséquilibre existe entre eux, faute d’intervention, il s’accentuera. Et s’il y a manque d’activités ici, il y a alors moins d’emplois, on va donc en chercher ailleurs. De même, si l’habitat se dégrade et ne correspond plus aux demandes actuelles, une part de la population va habiter plus loin. Se concentrent alors les populations captives, mettant en cause la mixité et accentuant les difficultés sociales. La population et les activités diminuant, les recettes baissent tandis que les problèmes à résoudre augmentent. Qu’en est-il alors des investissements publics nécessaires en termes de services urbains, de déplacements, de vie culturelle, d’éducation, de loisirs ? Comment faire face aux nombreuses friches qui ne constituent pas tant des opportunités que des charges en plus, quand le secteur privé se révèle bien peu présent dans un tel contexte ? Comment résoudre des problèmes urbains, des inégalités grandissantes avec des moyens de plus en plus faibles ? Et la qualité de la vie citadine diminuant au regard de l’offre que d’autres territoires apportent, les activités économiques susceptibles de s’implanter vont plutôt ailleurs.
Cette vision n’est pas un scénario catastrophe, mais la réalité pour de nombreuses villes à la suite des restructurations industrielles des années 1970 et 1980 : une évolution naturelle n’est pas vertueuse. La plupart de ces cités le savent, qui se sont battues pour retrouver une place, un attrait, un rôle, pour redevenir des lieux de production et d’épanouissement. Et aujourd’hui, certaines villes semblent porteuses d’énergie, d’enthousiasme collectif, quand d’autres paraissent fanées. À présent, chacun est en général convaincu du fait qu’il n’y a pas vraiment de choix, que l’inaction serait dramatique. L’objectif est souvent partagé que la ville, le territoire, doivent évoluer et se construire un avenir collectif se déclinant aussi en avenirs individuels.
Dans les années 1980 avait cours cette vision simpliste que l’attractivité reposait sur l’image obtenue à coup de grands projets faits par de grands architectes. Si cette approche peut servir de levier, comme d’ailleurs les opportunités fournies par de grands événements sportifs ou culturels (les JO, Lille 2004…), elle ne peut se suffire à elle-même. Il est bien plus efficace de construire une stratégie solide embrassant les courts, moyens et longs termes et s’attaquant à la complexité de l’Urbain et non à son écume.
Une attractivité fondée sur la qualité
L’attractivité d’un territoire suppose que l’environnement y soit agréable, confortable ; que l’on puisse y trouver les services, le travail auquel on prétend ; que le territoire soit accueillant, pour les hommes et les activités, qu’il fonctionne bien, favorisant notamment les mises en réseaux entre les acteurs. Les actions qui améliorent la vie quotidienne et l’activité renforcent le sentiment d’appartenance à un pays.
Des thèmes immatériels sont concernés : la culture, l’éducation, les services, la vitalité économique, les loisirs, la richesse de la vie sociale ou des moments collectifs (les fêtes, le sport, etc.). Mais s’y ajoutent aussi des actions urbaines très concrètes telles que : la rénovation de l’habitat pour correspondre aux aspirations actuelles en matière de logement ; la création de parcs, de squares, d’espaces publics ; La réorganisation de l’accessibilité avec le développement des transports en commun ; la construction d’équipements culturels, éducatifs ; le renforcement de la vivacité urbaine du centre et des quartiers ; la résolution des problèmes des grands ensembles ; l’attention portée à la complémentarité entre petits commerces de centre-ville (qui participent à la qualité de la vie urbaine) et grandes enseignes commerciales ; la diminution de la pollution, la préservation de l’environnement ; Le renforcement des liens avec l’extérieur, et même la propreté.
L’attractivité d’une ville ne repose pas uniquement sur la nouveauté (nouvel équipement de prestige, nouveau quartier, nouvelle zone d’activités), mais sur une meilleure gestion ou une mise en valeur de l’existant. Elle n’est pas seulement consécutive à un ajout, elle naît des qualités redonnées à ce qui est : un patrimoine à rénover ou à adapter, un paysage, des collines, des rivières à rendre visibles et accessibles, un potentiel humain, urbain sur lequel s’appuyer, une vie des quartiers, des ambiances à favoriser, des réseaux à renforcer, à dynamiser…
Une dynamique d’acteurs
Chaque fois, des solutions adaptées à la personnalité de la cité doivent être trouvées. En effet, non seulement le contexte urbain n’est jamais le même, mais tel projet pertinent ici sera un contresens ailleurs. D’autre part, les capacités financières ou de maintenance, les techniques utilisées, les ressources humaines sont différentes. De ce fait, plutôt que de “parachuter” des professionnels extérieurs qui ne restent pas sur le terrain, il est préférable de construire des ressources locales qui permettront au territoire de posséder les savoirs, les milieux professionnels, les méthodes à même de conduire son évolution. Pour mobiliser les acteurs, il est important que soient élaborés un projet pour le territoire, une vision, facteur de cohérence entre toutes les initiatives, publiques ou privées. C’est le rôle du politique, mais cette vision doit recueillir l’adhésion pour être le support d’une dynamique.
Jean-Pierre Charbonneau
Consultant urbaniste